Les Francs-Tireurs et Partisans Français : les femmes dans les FTP

Publié le par Henri-Ferréol BILLY

Ce sixième chapitre de l'histoire des FTP fait suite au précédent consacré aux étrangers au sein des FTP.

Chapitre 6 : les femmes dans les FTP

La place des femmes dans la Résistance a trop souvent été occultée. Cet article est un moyen de leur rendre hommage.

Deux récents documentaires diffusés par France 3 le 25 mai 2015, dont l'un consacré aux portraits de trois femmes,  sont venus nous rappeler quel fut leur rôle au sein de la Résistance.

On pourrait retracer la place des femmes au sein des FTP à travers trois présentations types, étant précisé que ces présentations types peuvent difficilement tenir lieu de généralités au vu des parcours différents qui existent. Pour illustrer ces présentations nous donnerons à titre d'exemple les parcours de plusieurs de ces femmes.

Les "ménagères" :

Le Front National avait organisé différents organismes pour organiser la lutte contre l'occupant y compris par la propagande. Un de ces moyens était la constitution de Comités de ménagères qui organisèrent des manifestations. Nous pouvons donner pour exemple le parcours d'Hélène BRAGUIER épouse LECADRE : Née en 1911 à Huriel, cette militante communiste demeurant à Cusset (Allier) rejoint la Résistance via le Front National. Entre 1941 et 1943, elle s'occupe de l'imprimerie clandestine et de la distribution de tracts "appelant les mères, toutes les femmes, à s'opposer à toute collaboration avec l'ennemi et particulièrement au départ en Allemagne des jeunes gens au STO, ainsi que des ouvriers spécialisés de nos usines métallurgiques appelés à travailler dans les centres d'armement contrôlés par les Allemands". En septembre 1942, elle crée, organise et gère le fonctionnement du Comité Populaire Féminin de Vichy. Elle s'occupe des directives et des liaisons entre les différents groupes de ce comité avec diffusion de la presse clandestine. Elle prévoyait d'organiser une manifestation en mars 1943 (comme celle du 6 janvier 1943 de Montluçon) quand elle fut arrêtée avec son mari le 14 mars. Le 14 avril elle est condamnée. Le 2 mai 1944 elle est livrée aux allemands qui l'envoient en déportation à Ravensbrück d'où elle rentrera le 29 juin 1945.

Hélène BRAGUIER et un tract de novembre 1943Hélène BRAGUIER et un tract de novembre 1943

Hélène BRAGUIER et un tract de novembre 1943

MÉNAGÈRES :
Pour 500g. de pain
Pour un meilleur ravitaillement
Pour des vêtements et des chaussures
Pour le retour des prisonniers
Pour la libération de la France [...]
Le comité des ménagères

Extrait du tract de novembre 1943

Tract de l'UFF

Tract de l'UFF

Les messagères :

La Résistance avait besoin d'agents de liaison pour transporter des documents ou des armes, les femmes le furent en grand nombre.

La liaison est assurée par les femmes ou les jeunes filles dont les familles logent des FTP. Ici, se trouvent Françoise Gaillard alias « Irma » et sa fille Lucienne âgée de 14 ans.
Elle est souvent utilisée pour des missions périlleuses: porter des messages ou des armes, convoyer un aviateur abattu à proximité afin qu’il soit aiguillé vers un réseau d’évacuation. Son jeune âge lui permet de se déplacer sans trop attirer l’attention de la police française et allemande. Nous pouvons également compter sur Fernande Caudron, Simone Petiot, Geneviève Gabard, Jeanne Holleville alias « Jeannette », Renée et Germaine Mansion. La mission de ces femmes et de ces jeunes filles est continuelle. Elles agissent en vélo sur un périmètre de 30 à 40 kilomètres. Leur aide pour la résistance est immense, elle est pour nous d’un grand secours. Elles risquent leur vie à chaque expédition.

Serge Lecul, Résistance Vimeu 1942-1944, Souvenirs recueillis par Hubert Quilliot, Fressenneville, Imp. Carré, 1994, p. 14-15

Seule femme du procès dit de l'Affiche rouge, Olga BANCIC était née en 1912 en Roumanie. Dès le début de l'Occupation, elle rejoint les FTP-MOI pour lesquels elle assurait le transport des armes et des munitions lors des actions. Elle fut ensuite chargée du dépôt d'armes. Le 16 novembre 1943 elle est arrêtée. Elle est condamnée le 18 février 1944. Tandis que ses camarades sont passés par les armes, elle est envoyée en déportation et sera guillotinée le 10 mai 1944 à Stutgartt.

Certaines agents de liaison franchiront le pas de la lutte armée comme Madeleine RIFFAUD. Née en 1924, cette parisienne rejoint le Front National durant la guerre puis les FTP en mars 1944 avec lesquels elle participe à divers actions. Suivant les mots d'ordre des FTP, elle abat un officier allemand. Elle est ensuite capturée et subit la torture jusqu'à sa libération le 19 août 1944 grâce à un échange de prisonniers. Elle prend ensuite la tête d'un détachement FTP qui attaque un train blindé le 23 août 1944. Le 25 août ils prennent d'assaut le dernier bastion allemand. Au cours de ces combats sera fauché le jeune FTP Michel TAGRINE (22 ans) et tandis que la foule célèbrera la victoire, les FTP pleureront leur camarade.

Olga BANCIC et Madeleine RIFFAUDOlga BANCIC et Madeleine RIFFAUD

Olga BANCIC et Madeleine RIFFAUD

Les femmes FTP-MOI de Marseille le 29 août 1944

Les femmes FTP-MOI de Marseille le 29 août 1944

Les combattantes :

Mais la place des femmes ne saurait se limiter seulement à ces deux aspects de ménagères et de messagères : elles prirent aussi les armes ! Certaines firent pression pour pouvoir constituer des groupes armés entièrement féminins comme le montre le contenu de ce bulletin intérieur des FTP :

VII. Formation de groupes de partisanes
Les femmes patriotes sont nombreuses qui apportent leur aide à la lutte armée des FTP, leur fournissent des agents de liaison, organisent des comités d’entraide et donnent d’admirables exemples de dévouement à la Patrie.
Mais le C.M.N. a été saisi de nombreuses demandes adressées par des femmes patriotes pour prendre part plus activement dans la guérilla. Certaines, enthousiasmées par les exploits des partisans de l’Union Soviétique contre l’envahisseur nazi viennent dans une Région de constituer spontanément un groupe de FTP de femmes, en déclarant que c’est aux femmes françaises que doit revenir l’honneur de mettre hors d’état de nuire les femmes boches utilisées dans la DCA et autres services de l’ennemi. [...]
Les groupes de partisanes doivent être composés de femmes pouvant dispenser périodiquement des principales obligations familiales et s’astreindre aux règles générales de sécurité. Aucune formation féminine de maquis ne sera tolérée présentement.
Les femmes admises à composer un groupe de partisanes, sont réparties en deux équipes de 4, y compris la responsable du groupe et de l’équipe de tête, chaque partisane ne fréquentant son équipe que pour l’action et l’instruction préparatoire. Toute femme ayant des tendances à l’indiscrétion doit être impitoyablement éliminée. [...]

Bulletin intérieur du 1er mars 1944 des FTP

Quelques portraits :

La chimiste France BLOCH (née en 1913) rejoint les FTP en 1941. Elle installa un laboratoire dans le XIXe arrondissement de Paris et fabriqua des explosifs pour ses camarades. Le 16 mai 1942 elle est arrêtée. Condamnée en septembre 1942, elle sera exécutée le 12 février 1943 à Hambourg.

La communiste Danielle CASANOVA, née Vincentella PERINI, (née en 1909) avait rejoint le PCF au début des années 1930. En 1936 elle est élu secrétaire Générale de l'Union des Jeunes Filles de France (UJF) qui venait tout juste d'être fondée. Après 1940, elle participe à la mise en place des Comités féminins. Elle est arrêtée par la police le 15 février 1942 chez un couple de militants qu'elle venait ravitailler. Elle sera déportée et mourra le 9 mai 1943.

La jeune étudiante Mala KRIEGEL, née EHLISCHTER et dite "Paulette", (née en 1912) rencontra durant ses études au milieu des années 30 le militant communiste Maurice KRIEGEL-VALRIMONT (lire notamment le livre d'entretien publié par Fakir : "Ils nous ont dit : vous êtes fous") avec qui elle se mariera en 1937 avant de se séparer un an plus tard. Le 27 août 1944, alors qu'elle distribuait le journal La Marseille, journal du Front National, elle et ses camarades sont arrêtés par les allemands qui leur tirent dessus. Grièvement blessée, Mala décèdera le lendemain.

Issue d'une famille polonaise Simone SCHLOSS (née en 1919) militait au sein de l'UJF avant-guerre. Elle est interpellée et condamnée en 1941 suite à la diffusion d'un journal. Libérée, elle devient agent de liaison de Conrado MIRET-MUSTE, un des fondateurs et chefs de l'OS-MOI. Elle est capturée en février 1942, condamnée à mort le 14 avril 1942 en même temps que vingt-trois hommes (fusillés le 17 avril) et qu'une autre femme, Marie-Thérèse LEFEBVRE qui sera "seulement" envoyée en déportation (et survivra) tandis que Simone sera déportée puis décapitée le 17 juillet 1942 à Cologne.

Portraits dans l'ordre de : France BLOCH, Danielle CASANOVA, Mala KRIEGEL et Simone SCHLOSSPortraits dans l'ordre de : France BLOCH, Danielle CASANOVA, Mala KRIEGEL et Simone SCHLOSS
Portraits dans l'ordre de : France BLOCH, Danielle CASANOVA, Mala KRIEGEL et Simone SCHLOSSPortraits dans l'ordre de : France BLOCH, Danielle CASANOVA, Mala KRIEGEL et Simone SCHLOSS

Portraits dans l'ordre de : France BLOCH, Danielle CASANOVA, Mala KRIEGEL et Simone SCHLOSS

L'ONAC (Office National des Anciens Combattants) de l'Allier a publié une plaquette sur le rôle des femmes dans la Résistance.

Conclusion :

Il était difficile de faire un article très détaillé sur ce thème, mais il était bien évidemment essentiel de rappeler le rôle de ces femmes de l'ombre, dont le rôle important a trop souvent été tu !

Principale source : Claude PANNETIER (et autres), Les fusillés 1940-1944, 2015.

Pour suivre la série d'articles consacrés aux FTP, consultez le sommaire ci-dessous et abonnez-vous au blog !

Commenter cet article

R
Bonjour, Je viens de voir votre réponse seulement aujourd'hui, vous trouverez des informations sur le blog ici: http://resistance42.blogspot.fr/2013/10/roman-historique-en-hommage-mes-grand.html<br /> Si vous me faites parvenir un email je peux vous transmettre des données plus complètes ainsi que des documents et photos. Cordialement, René Felix.
Répondre
R
Ma grand mère était résistante dans les FTPF j'en parle dans le livre Là où coule le Gier (voir également le blog internet) je tiens les documents a votre disposition si vous souhaitez un jour lui rendre hommage comme vous l'avez fait pour les femmes de l'ombre Ô combien admirables que vous avez cités ci_dessus, bien a vous, René Félix.
Répondre
H
Bonjour. J'ai consulté sa biographie dans l'ouvrage de Vanessa MICHEL.<br /> N'hésitez pas à me communiquer les références de votre blog.<br /> Cordialement