Les sabotages ferroviaires en forêt des Colettes

Publié le par Henri-Ferréol BILLY

La forêt des Colettes (à l'ouest de Gannat), était un lieu propice pour former des campements de maquisards (comme ce fut le cas pour le camp FTP Dionnet). La forêt était traversée d'est en ouest par la voie ferroviaire reliant Vichy à Montluçon.

Une des missions du camp Dionnet était justement de saboter cette voie. C'est ce qui sera fait à plusieurs reprises par ce camp, mais également par les MUR de la zone 13 (stationnés plus au sud) et, pour la partie de la voie entre Lapeyrouse et Montluçon, par le camp FTP Müller-Chancot.

Le préfet de l'Allier note déjà un sabotage commis la nuit du 28 au 29 août 1943 sur la voie ferrée entre Bellenaves et Louroux-de-Bouble. Il s'agit peut-être d'un coup des FTP de Bellenaves/Chantelle, un groupe doté d'explosifs existant déjà à cette date.

Rapport des RG du 29 août 1943

Rapport des RG du 29 août 1943

Le camp Dionnet est créé en forêt des Colettes le 1er juin 1944. Il déménagea plusieurs fois jusqu'à son installation dans le bois de Veauce le 22 juin 1944.

Une des missions qui lui avait été confiée était le sabotage des voies ferroviaires.

Les opérations du camp Dionnet :

La mission assignée au camp est d’interrompre toute circulation sur la voie de chemin de fer de Montluçon-Gannat, sans porter atteinte aux ouvrages d'art, tels les viaducs et de ne pas détruire de pylônes de lignes électriques sans nécessité absolue, mais d'interrompre au maximum les communications téléphoniques en coupant les lignes et en recommençant dès que réparées. Le harcèlement des troupes allemandes est peu à l'ordre du jour et ne doit pas devenir une priorité de ce maquis. Je fis partie du groupe, sous le commandement de JONIN, qui a examiné la possibilité de sabotage des vois. Les cheminots et le chef de gare de Bellenaves étaient partie dans notre action. Il fut alors décidé de s'adjoindre un cheminot spécialiste des voies. C'est Maurice BARROIN, « Girier », de Gannat qui est venu au maquis. […] La technique était d'arriver à faire coucher complètement la locomotive sous le tunnel afin qu'elle s'y coince aux maximum sous la poussée des wagons et que son dégagement nécessite un assez long travail, si possible de plusieurs jours, avec l'obligation d'un découpage de pièces au chalumeau.

Jean MARIELLE "Un maquis parmi tant d'autres", dans Serge COMBRET, Auvergne j'écris ton nom, résistance 1940-1944, 1994 ; p.217

Un premier déraillement est organisé avec 48 FTP au tunnel de Bellenaves, ils créent un arrêt de 8 jours. Il doit s'agir de l'opération qui a lieu le 22 juin 1944.

Le premier déraillement eu lieu de nuit. Il visait un train de marchandises. Le chauffeur et mécano étaient des nôtres. Pour qu'ils ne puissent être inquiétés, 500 mètres avant le tunnel, des pétards réglementaires, pour un arrêt d'urgence, avaient été mis en place. Dans la demi-heure précédente, les rails, à environ cent mètres de l'entrée du tunnel, côté sortie avaient été déboulonnés et calés avec des traverses, selon les règles indiquées par le spécialiste. Ainsi tout le train, avec des dégâts, se trouverait sous le tunnel. Le train a été arrêté à quelques centaines de mètres de l'entrée du tunnel. Le chauffeur et le mécano ont fait monter la pression de la locomotive, en fait démarré le train et ont sauté en bas de la loco. De leur côté, les résistants locaux avaient coupé toutes les lignes téléphoniques du secteur et les gendarmes de Bellenaves étaient en mission dans une autre direction.

Jean MARIELLE "Un maquis parmi tant d'autres", dans Serge COMBRET, Auvergne j'écris ton nom, résistance 1940-1944, 1994 ; p.217

Le 6 juillet, le camp Dionnet mène une nouvelle opération à Bellenaves qui aboutit à la capture de 8 allemands (cette opération devrait faire l'objet d'un article séparé).

Le 20 juillet, vers 2h50 la voie est coupée sur 40 à 50 km au tunnel de Roche au nord de Bellenaves. Il doit s'agir de la deuxième grosse opération de sabotage menée par le camp Dionnet.

Des opérations qui semblent avoir été menées par les MUR :

La Compagnie MUR la Trentaine de Commandement mène une opération le 2 juillet, entre Louroux-de-Bouble et Lapeyrouse, opération qui détruit un petit pont supérieur, au PK365 et arrache des rails ce qui entraine un arrêt de 4 jours. Le 3 juillet à 1 heure du matin, ils mènent une nouvelle opération au pont de Louroux-de-Bouble.

Le 5 juillet, à Louroux-de-Bouble, la voie est coupée par un explosif et le transbordement des voyageurs a dû être effectué .

Dans la nuit du 8 au 9 juillet, vers 2 heures, des maquisards arrêtent un train de marchandises avant l'entrée du tunnel de Montgond au 3 km au nord-ouest de Bellenaves, font descendre le personnel SNCF et lancent le train à vive allure pour obstruer le tunnel où ils avaient déboulonné les rails « au préalable, les gardes barrières et les requis à la garde des voies auraient été neutralisés ». « La machine et 6 wagons se sont écrasés et obstruent le tunnel et la voie unique sous celui-ci. Les travaux seront particulièrement pénibles et difficiles du fait de cette particularité et du peu de place qu'il y a sous une œuvre d'art à voie unique ».

Note des RG du 9 juillet 1944

Note des RG du 9 juillet 1944

Deux opérations de sabotage du 11 au 12 juillet :

Le 11 juillet « vers 2h50 sur la ligne Montluçon-Gannat, entre St-Bonnet-de-Rochefort et Bellenaves, la voie a été coupée sur une longueur de 40 à 50 cms. Un transbordement des voyageurs a été prévu à St-Bonnet-de-Rochefort ».

Le 11 juillet vers 23h30, un déraillement est causé par un sabotage de la voie ferrée Gannat/Montluçon au tunnel de Montgond à 3 kilomètres au nord-ouest de Bellenaves : « les dégâts matériels causés sont importants mais il n'y a pas eu d'accident de personnes, les voyageurs et employés du train ayant été mis dans l'obligation de quitter le convoi en gare de Bellenaves. Au cours de la même nuit vers une heure du matin un requis civil a été blessé grièvement par balle sur la même voie ferrée alors qu'il assurait un service de garde au lieu dit « Pont de Naves » à 3 kilomètres au nord de gare de St-Bonnet-de-Rochefort. Transporté à l'hôpital civil de Gannat, il y est décédé le 12 juillet 1944 à 22 heures. Il s'agit de BOUDARD André, maçon, domicilié à Charroux (Allier), marié, père de 7 enfants ».

Le groupe de résistants qui a fait le sabotage du 11 juillet au soir, doit être le même que celui qui a croisé le garde-voie environ 1h30 plus tard. On peut remarquer que le garde s'est fait tirer dessus non loin du lieu où a été effectué le sabotage du 11 juillet au matin. Au vu de la localisation des faits, il doit s'agir d'une opération des MUR de la zone 13 qui a mal tournée.

Extrait d'un rapport de gendarmerie du 22 juillet 1944

Extrait d'un rapport de gendarmerie du 22 juillet 1944

En un mois, du 22 juin au 20 juillet, ce sont pas moins de huit opérations de sabotages qui ont été menées sur la voie de chemin de fer entre Lapeyrouse et St-Bonnet-de-Rochefort avec un rythme très soutenu d'un sabotage tous les deux jours entre le 2 et le 12 juillet. On peut noter que les tunnels (celui de Montgond et celui de Bellenaves) étaient très prisés puisque cinq opérations y ont eu lieu.

Pour conclure, on peut noter que les opérations de sabotage des voies SNCF par les résistants avaient pour but de retarder les déplacements de troupes vers le front de Normandie.

Carte dressée par la police de sabotages, vols et assassinats menés par les résistants dans les environs de Montluçon

Carte dressée par la police de sabotages, vols et assassinats menés par les résistants dans les environs de Montluçon

Mots clés : Résistance ; maquis ; Bellenaves ; Veauce ; Lalizolle ; forêt des Colettes ; camp Dionnet ; camp Dionnet-Marceau

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