L'attaque des camps Chauvet et Dionnet le 23 juillet 1944

Publié le par Henri-Ferréol BILLY

Cet article, qui sera un peu long au vu de l'ampleur des évènements qui y sont relatés, explique l'attaque des troupes allemandes contre les camps Chauvet et Dionnet le 23 juillet 1944 ainsi que les évènements annexes, notamment ceux des 22 et 24 juillet, indissociables de l'évènement principal.

Nous avons créé un carte, ci-dessous, contenant les évènements principaux et permettant de situer géographiquement les faits décrits ci-dessous.

Les camps Chauvet, Dionnet et Müller-Chancot :

Avant de raconter l'attaque du 23 juillet et les opérations annexes, il est nécessaire de donner quelques éléments sur les camps de FTP qui seront concernés par ces évènements :

-le camp Gabriel Dionnet : au moment des faits, ce camp issu de la 4e Compagnie FTP de l'Allier, était basé dans le bois de Veauce et comptait environ 50 maquisards. Il était dirigé par le chef de camp Gabriel MAUPAS dit "Marceau" (30 ans) assisté par un triangle de commandement ;

-le camp Jean Chauvet : ce camp issu de la 3e Compagnie FTP de l'Allier était divisé en plusieurs campements répartis dans les bois entre Lalizolle (à l'ouest) et Ebreuil (à l'est). Le campement le plus à l'ouest était celui des Jimbert dirigé par Georges LEIBER dit "Jimmy" (20 ans), ensuite venait le campement de St-Donat dirigé par Pierre MOUROUX dit "Raoul" (18 ans) et enfin le campement du Châtelard dirigé par le chef de camp François ROYER dit "Abel" (23 ans) qui comprenait le poste de commandement, un campement et un parc automobile. On peut constater le très jeune âge des officiers de ce camp ;

-le camp Müller-Chancot : ce camp, également issu de la 3e Compagnie FTP de l'Allier, était divisé en trois campements éparpillés sur les communes de Commentry et de La Celle. Seul le campement du Chabanson, situé sur la commune de Commentry, sera directement concerné par les opérations allemandes. Le camp Müller-Chancot était dirigé par Elie MARCHAT dit "Dupuis" (41 ans).

L'origine de l'attaque du 23 juillet :

Suite à la capture de 8 allemands (qui seront délivrés le 23 juillet) par le camp Dionnet le 6 juillet 1944 (cet évènement fera l'objet d'un article spécifique), le général commandant le 66e Corps d'armée donne l'ordre au groupe de combat Burkart, composant du 192e Régiment de Sécurité, de mener une action en forêt des Colettes :

un grand camp de partisans se trouvait dans la forêt à l'ouest de Bellenaves (forêt des Colettes et Bois de Jaumat). Il serait fort de plusieurs centaines d'hommes. D'après d'autres renseignements 12 soldats allemands ont été enlevés d'un train et emmenés dans cette région forestière. [...] Le groupe de combat Burkart avec les unités qui lui sont subordonnées, ratissera la région indiquée ci-dessus à la recherche des camps de bandits et de terroristes. On entreprendra une fouille complète des localités et des fermes de la région. Les terroristes rencontrés seront abattus. Les suspects faits prisonniers. Qui résistera ou tentera de fuir sera abattu. Les autos, motos ou bicyclettes dont l'emploi sans inconvénient ne pourra pas être prouvé seront confisquées

Ordre de Bataille du groupe de Combat Burkart

Les allemands prévoient d'organiser le ratissage de la forêt du sud vers le nord, avec trois groupes différents et un QG basé au carrefour de la Bosse, à côté de la ferme des Montmins où les allemands sont implantés depuis le 15 juin 1944 suite à leur opération à Louroux-de-Bouble (cet évènement, où cours duquel onze hommes seront fusillés, fera l'objet d'un article). L'opération prévoit également que la forêt soit encerclée par des forces armées pour abattre tout fuyard. Les troupes engagées seraient d'environ 500 hommes.

Le jour où le groupe de combat reçoit le message du 66e corps d'armées, le SD (Sicherheit Dienst) arrête à Commentry François KACZMARCK, un des responsables du campement du Chabanson, un des trois campements du groupe FTP Müller-Chancot. Le 22 juillet les autres responsables du campement sont attaqués, seul Casimir CUPIAL parviendra à s'en sortir, pour l'instant.

Le 22 juillet, les allemands commencent à rassembler leurs forces au carrefour de la Bosse.

De Commentry, les allemands emmènent trois prisonniers parmi lesquel François KACZMARCK qui leur a revelé sous la torture l'emplacement du camp Chauvet qui n'était pas visé par l'opération.

Le même jour, la 8e Compagnie du 192e RS remonte de Clermont-Ferrand. Vers 20 heures ils capturent un résistant MUR à Youx et, poursuivant leur route vers le carrefour de la Bosse, ils croisent la route d'une voiture de MUR sur la commune de Servant. Ces résistants revenaient du camp Chauvet où ils avaient averti vers 17 heures des membres du campement du Châtelard de l'imminence d'une attaque. Leur voiture est criblée de balles, mais leurs quatre occupants parviennent à s'échapper sans blessures. La 8e Compagnie n'arrive à son point de chute qu'une heure avant la tombée de la nuit, repoussant ainsi le démarrage des opérations au lendemain matin. Cependant il semblerait que le campement de St-Donat, dirigé par Pierre MOUROUX, ait été attaqué entre 21 heures et 2 heures du matin.

La veille de l'attaque, les membres du camp Chauvet avaient reçu pour consigne de plier bagage. Mais, d'après le témoignage de Colette PONT-PREUX, ils ont ensuite reçu un contre-ordre.

L'attaque du 23 juillet 1944 :

Les allemands entament le ratissage des bois du châtelard vers 6 heures du matin. Ils oublient le campement de St-Donat. Cependant vers 6 heures, trois membre du camp décident d'attaquer les allemands sur la route reliant Lalizolle à Sussat. Ils seront capturés, mais l'un d'entre-eux arrivera à s'échapper et à se réfugier chez la famille de Georges BARBARAT. Les deux autres, Raymond THIEBERT (18 ans) et André MASSERET (19 ans), sont abattus par les allemands.

Stèle érigée en leur hommage

Stèle érigée en leur hommage

Au fur et à mesure de leur avancée dans le bois du Châtelard, les allemands decouvrent des campements abandonnés, l'alerte ayant visiblement été donnée.

Au campement principal, les allemands tuent André BELGRAND dit "Guy" (15 ans) et Casimir CUPIAL dit "Edmond" (27 ans) qui avait rejoint le camp Chauvet après l'attaque de son domicile.

Trois paires de patrouilles du camp, ne se doutant de rien, se dirigent vers le poste de commandement et sont attaqués par les allemands. Seuls Joseph PONT dit "Jacques" et "Prosper" parviendront à s'échapper. Georges COGNET dit "Joseph" (20 ans), Maxime LESBRE (20 ans), Raymond TENAUD dit "Petit Pierre" (18 ans) et Kasimir WOLOKI sont abattus.

Lors des combats, le camp Chauvet perd également Wladislas ROYOSCHI et Raymond PARIS dit "Yvon" pour lesquels nous n'avons aucun acte de décès.

Après avoir achevé leur opération au camp Chauvet, les allemands dressent un bilan :

Les papiers riches en documentation furent immédiatement remis au détachement spécial du Commandement de la Police de Sûreté et du S.D. de Vichy, de ces documents, il ressort qu'il s'agit d'un groupe de communistes très actifs (F.T.P.), qui a probablement commis les différents attentats et actes de sabotage dans cette région. Probablement ont-ils également exécuté des civils français passant pour avoir des sentiments allemands. D'après les constations,
l'effectif était d'environ 70 hommes. Destruction : pendant l'opération deux camions légers et trois voitures de tourisme ont été détruites.

Rapport d'opération du groupe de combart Burkart

L'attaque du camp Dionnet :

Le camp Dionnet stationné dans le bois de Veauce, est réveillé par les premiers coups de feu vers 5h30. André PUYET dit "Vaillant" (18 ans) est appelé à la tente de commandement vers 6 heures. Vers 7 heures, il est envoyé en patrouille habillé en civil sur la commune de Lalizolle. Arrivé vers 7h45 au village, une habitante lui signale que les allemands sont partout. Il fait immédiatement demi-tour pour prévenir ses camarades.

Cependant, vers 9 heures, les allemands lancent leur attaque contre le camp Dionnet qui est pris sous les tirs d'armes automatiques et de fusils. Les FTP revendiquent avoir tué 33 allemands lors des combats. Ces derniers captureront et exécuteront Roger CHERASSE dit "Retardataire" (22 ans) qui avait été grièvement blessé et son camarade Julien CAFIERE dit "Eloi" (23 ans) qui était resté à ses côtés. Paul LANGLOIS dit "Energic" (19 ans) sera capturé et emmené à Vichy. Il est porté disparu depuis le 14 août 1944. HADJAB dit "Rose" est porté disparu depuis les combats. Le corps carbonisé d'un FTP sera retrouvé le lendemain des combats.

Les autres membres du camp parviendront à franchir les barrages par groupes. Les frères CHAUTARD et Marcel BLONDIAUX seront arrêtés le lendemain à Espinasse. Jean BONNET sera arrêté le 26 juillet à Cusset. Ils seront tous déportés.

Des opérations parallèles des allemands le 23 juillet :

A Vicq, vers 10 heures, un maquisard inconnu qui devenait venir du camp Chauvet est abattu par un guetteur allemands. Il sera identifié à tort comme étant André MASSERET.

Comme nous l'avons expliqué dans un autre article, vers 11h40, les allemands exécutent quatre otages qu'ils retenaient dans leur QG situé au carrefour de la Bosse.

Sur la base de documents trouvés au camp Chauvet, les allemands font une descente vers 14 heures au café Coutard à Lalizolle. Ne trouvant pas le fils, ils emmènent le père qui sera relâché quinze jours plus tard.

Un poste de guetteurs allemands est attaqué par un groupe de maquisards qui perdent un homme dans les affrontements. Nous n'avons malheureusement pas plus de détails.

Le massacre du chemin des vignes du 24 juillet :

Le bilan des opérations allemandes :

En trois jours, ce sont au moins 25 patriotes (23 FTP, un MUR et un juif) qui auront été tués par les allemands, auxquels il faut rajouter un disparu et 5 prisonniers. Les camps Chauvet et Dionnet ont été complètement dispersés, et le camp Dionnet a perdu son chef de camp. Le bilan est donc très lourd pour les FTP.

Mais les opérations des allemands ne sont pas finies : les 27 et 28 juillet, deux jeunes, Carlo CASTELLETTA (18 ans) et Armand FENGER (23 ans), sont arrêtés par les allemands et envoyés en déportation. La famille BILLY de Cusset, qui comptait deux maquisards, est obligée de se cacher dans la campagne. La femme de Henri RAVAT, ancien membre du camp Dionnet et responsable depuis le 20 juillet du camp Timbaud, est arrêtée et leur domicile est fouillée. Le 28 juillet, les allemands attaquent le campement du camp Drouillat à Lapeyrouse (à 8km au nord-ouest du carrefour de la Bosse) et arrêtent deux maquisards et un agent de liaison.

Le temps des hommages après la Libération :

Le 17 septembre 1944, la Compagnie Marceau (héritière du camp Dionnet), rend hommage à ses morts au cimetière de Gannt. Le 24 septembre, c'est au tour des morts du camp Chauvet d'avoir les honneurs lors d'une céremonie à Ebreuil.

Depuis, une journée de commémoration est organisée par l'ANACR chaque année. La prochaine aura lieu le 25 juillet 2015.

Souvenez-vous !

Stèle de Veauce

Stèle de Veauce

Mots clés : Résistance ; juillet 1944 ; département de l'Allier ; forêt des Colettes ; bois de Veauce ; bois du Châtelard ; Veauce ; Ebreuil ; Lalizolle ; Vicq ; Echassières ; carrefour de la Bosse ; maquis ; camp Dionnet ; camp Chauvet ; FTP ; Francs-Tireurs et Partisants

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J
Bonjour. Je recherche plus d’infos sur mon grand-père René Gidel dit « Bob » résistant originaire de St Eloy (repose au Quartier). J’ai des docs du Corps Franc des Truands en ma possession. J’ai trouvé un Roger Gidel dit « Bob » qui indiquerait qu’il était au Mont Mouchet. Mais je pense que c’est un autre Gidel
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H
Bonjour. Aucun René GIDEL n'a de dossier FFI. En revanche, vous pouvez avoir d'autres pistes. En voici : http://histoire-et-genealogie.over-blog.com/2016/03/chercher-dossiers-resistants.html
O
bonjour je recherche des renseignements sur mon grand père Charles Henri Ordeig FTP MOI engagé dans le résistance en Dordogne son nom était CARLOS
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H
Bonjour<br /> il y a Charles ORDEIG né le 11 novembre 1913 à Matoro (Espagne) qui a un dossier au Service Historique de la Défense. C'est lui ?
P
Bonjour, je recherche des renseignements sur mon grand-père Fernand Suchaire (1899-1959) FFI-FTPF à Montluçon. Sur ses actions etc. Merci beaucoup
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H
Bonjour, je l'ai dans ma base de données ! Je vous contacte