La IIIe République, précurseur de Vichy ?

Publié le par Henri-Ferreol BILLY

La question peut paraître étonnante, mais la création le 10 juillet de l'Etat français n'a pas tellement constitué en une rupture avec la IIIe République.

Le "personnel" politique : 

Les deux personnages politiques les plus importants du nouveau régime ne sont pas des inconnus. Concernant PETAIN, au delà de son rôle pendant la Grande guerre et de ses postes de militaire, entre février et novembre 1934 il prend un premier rôle politique en devenant ministre de la guerre. En mars 1939, il reprend un rôle politique en étant nommé ambassadeur auprès de FRANCO. Le 17 mai 1940, il est nommé vice-président du Conseil avant d'en devenir président (équivalent de premier ministre) le 16 juin 1940. Il mène l'armistice avant de devenir chef du nouveau régime.

Quant à LAVAL, il est un "pur" produit de la IIIème République. Député entre 1914 et 1919, puis entre 1924 et 1927 et enfin sénateur de 1927 à 1936, il n'a quasiment jamais cessé d'être représentant du peuple devant les assemblées pendant 30 ans (hormis entre 1919 et 1924). Il a également été chef du gouvernement entre janvier 1931 et février 1932 et juin 1935 et janvier 1936. 

La répression anti-communiste :

En opposition au pacte de non-agression germano-soviétique du 23 août 1939, les organisations communistes sont dissoutes et la presse communiste est interdite le 26 septembre 1939. Début octobre 1939, un mandat d'arrêt est lancé contre les députés communistes qui avaient créé un nouveau groupe parlementaire. Un décret « relatif aux mesures à prendre à l'égard des individus dangereux, pour la défense nationale ou la sécurité publique » est adopté le 18 novembre 1939. Il est complété par un décret-loi du 9 avril 1940, dit loi SEROL, qui punit de mort toute entreprise de démoralisation. Le rapport au président de la République daté du même jour vise explicitement les communistes.  Du 20 mars au 3 avril 1940 eut lieu le procès de 44 députés communistes qui furent condamnés à la peine maximale : 5 ans de prison et perte de leurs droits civils et militaires. Pendant ce temps, des centaines de communistes sont arrêtés : en mars 1940, 3 400 personnes l'ont été. 

Le régime de Vichy reprendra à son compte la répression avec notamment la loi du 3 septembre 1940 qui proroge le décret du 18 novembre 1939.

Pour aller plus loin sur le sujet :

Les camps d'internement

Des camps d'internement sont créés sous la IIIème république et serviront à entasser les républicains espagnols fuyant les troupes franquistes : Bram, Argelès-sur-Mer, Barcarès... 

Si les premières vagues migratoires entre 1936 et 1938 avaient été anticipées, la Retirada - la retraite, en espagnol - déborde rapidement le gouvernement français qui n'a jamais été confronté à un tel flot de réfugiés, arrivés au plus fort de l'hiver dans les départements limitrophes de la frontière avec l'Espagne : après avoir été identifiés, désarmés, vaccinés et nourris dans des centres de triage à Prats-de-Mollo, Arles-sur-Tech ou au Boulou, femmes, vieillards et enfants, mais également des miliciens et des hommes valides, sont rapidement dispersés dans 77 départements et hébergés chez l'habitant ou dans les locaux réquisitionnés par les autorités, casernes, usines, colonies de vacances, châteaux, écoles et couvents.

https://francearchives.fr/fr/article/239450434

Installation des barbelés au camp du Barcarès, 1939

Installation des barbelés au camp du Barcarès, 1939

Les blessés et les malades sont soignés dans les hôpitaux et les autres réfugiés, miliciens, brigadistes et civils valides, sont légalement internés en vertu de deux décrets-lois instaurés en 1938, qui les assimilent à des étrangers indésirables, dans des camps du Languedoc-Roussillon et du Maghreb sous domination française, dans des conditions extrêmement précaires. Le camp d'Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) est ainsi édifié à la hâte et les réfugiés dorment en attendant dans des trous qu'ils ont aménagés eux-mêmes sur une plage balayée par les vents et entourée de barbelés ; à Bram (Aude), ils sont hébergés dans des locaux en bois, à Vernet (Ariège) sous des tentes militaires et ils sont 3000 à s'entasser sous la chaleur dans les baraquements de Boghari (Algérie, ancien départeme

https://francearchives.fr/fr/article/239450434

Le régime de Vichy n'aura plus qu'à réutiliser ces camps d'internement (d'autres seront créés). Le camp de Gurs sera ainsi utilisé pour y parquer des juifs étrangers. Ils seront plus de 1 000 à y décéder entre octobre 1940 et octobre 1943 (lire ici).

Ces trois exemples permettent de constater qu'il n'y a pas eu véritablement rupture. Le régime a pu réutiliser des moyens de répression créés sous la IIIème République. Cependant, comme nous l'avons vu dans l'article de la semaine précédente, le nouveau régime attaquera une partie de ses administrés avec une ampleur incomparable.

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