Mon ancêtre "collabo" - à Vichy (partie 2)
Après une première partie sur mon ancêtre "collabo", il est en temps d'entamer la suite de son parcours.
Mon ancêtre collabo, présentation ! (partie 1) - Histoire et Généalogie
Après une petite mise en bouche sur la question (ici) nous pouvons enfin aborder la biographie de mon ancêtre "collabo". C'est parti ! Le 28 décembre 1870 à Faucogney (Haute-Saône) Eulalie CAZ...
http://histoire-et-genealogie.over-blog.com/2020/09/mon-ancetre-collabo-2.html
Léon s'était marié en 1900 à Troyes avec une jeune fille de bonne famille Anne-Mary LAMBERT âgée de 24 ans, lui en ayant 5 ans de plus. Sa femme mettra au monde un an plus tard une petite fille dont je descend. Ses parents décèdent successivement en 1907 et 1911.
En 1917, Léon obtient le droit d'accoler le nom de sa mère à son nom de famille et se fait désormais appeler PRUNAUX-CAZER.
Un homme honoré au sortir de la guerre
Officier bien noté, ayant été cité deux fois pour des actes de bravoure, blessé à deux reprises, il est accède aussi à la légion d'honneur.
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Dossier de légionnaire de Léon
Entre 1917 et 1925, le Journal Officiel nous permet de suivre ses différentes affectations. Il passe du 33e RI au 39e régiment de tirailleurs dans l'armée française du Rhin (avril 1921), puis au 33e régiment de tirailleurs (avril 1923), puis 23e RI (juin 1923). En janvier 1925 il est nommé à titre temporaire au grade de colonel.. En décembre 1925 il retourne à la tête du 39e RT.
Après guerre, Léon participe à plusieurs cérémonies comme en décembre 1919 à Arras à la tête de son régiment (ci-dessous), encore en août 1928 à Bourg-en-Bresse en présence du ministère de la guerre PAINLEVÉ en janvier 1929 à Bourg pour la remise d'une médaille. En août 1929, il est présent pour l'inauguration d'un buste, toujours en présence de PAINLEVÉ. Etc... On le trouve aussi à participer à des réunions d'anciens officiers.
Il semble que vers 1936 il se retire à Cusset, d'où la famille maternelle de sa femme est originaire via la famille ARLOING. Cette année là le journal La Voix du Peuple le mentionne comme étant militant des Croix de feu
Emplacement de l'ancienne maison du couple PRUNAUX-CAZER
Les croix-de-feu et l'antisémitisme - Persée
LES CROIX-DE-FEU ET L'ANTISÉMITISME Richard Millman Antisémites, les Croix-de-Feu ? D'une lecture de la presse et de nombreux témoignages, Richard Millman tire une conclusion nuancée qui distin...
A lire, les Croix de feu et l'antisémitisme
Arrivés dans la région de Vichy, faisons un petit retour en arrière avec la cérémonie de décembre 1919 à Arras. Un autre officier était présent lors de la cérémonie, un de ces prédécesseurs à la tête du 33e RI. Je vous laisse découvrir.
Forcément, officiers les deux se connaissaient même si PÉTAIN avait 14 années de plus. Difficile de connaître leurs relations. Cependant, Léon se voit confier la direction de la subdélégation de l'Allier du Secours National, organisme de secours placé sous l'autorité de PÉTAIN. Lui succédera un autre militaire, le colonel L'HUILLIER.
Le général PRUNAUX-CAZER est présent lors d'une cérémonie à Cusset le 10 juillet 1940.
Après la messe, le cortège se forma derrière la clique des marins et des drapeaux. Le maire, des généraux, le conseil municipal et les anciens combattants défilèrent [...]. La foule attendait silencieuse et émue. Le général PRUNAUX-CAZER, en un geste révélateur des intentions du nouveau régime, alla chercher le curé Fourcaut, qui se tenait dans la foule, pour l'amener près des personnalités officielles.
Il a été décoré de la francisque. Il a également reçu un courrier de menace dans lequel il est appelé "PRUNAUX-KAIZER" et qui l'accuse de l'arrestation du général RAYNAL.
Nous voilà en août 1944, Léon a 73 ans, Vichy a été libéré le 26 août. Peu après il est arrêté à son domicile par des policiers et présenté devant le procureur de Cusset. Que lui reproche-t-on ? On le sait représentant du Secours National. Il aurait gagné le surnom du "Secouru National" pour avoir tiré bénéfice de cet organisme. Sans que l'on sache si c'était vrai, en revanche il est établi qu'il est détesté d'une partie de la population. Il reconnaît être anti-communiste et que les communistes le savaient bien. Une perquisition à son domicile permet la découverte d'un uniforme de milicien et et d'armes qui aurait appartenu à un milicien qu'il hébergeait sur réquisition. Ce dernier était parti vers le 21 août 1944. Léon est inculpé pour détention d'armes et remis en liberté. Mais il était rapidement interné administrativement au CSS du centre hippique de Vichy. Il écrit fin 1944 au comité d'épuration.
Il décrit ce qu'il a vécu :
J'ai vécu six mois de la « Terreur » pire que celle de 1793, aux dires de gens très férus d'histoire. J'ai vu des scènes atroces, pour mon compte je n'ai subi aucun sévices, aucune torture, mais j'ai tout fait. Les quinze premiers jours, j'étais enfermé dans une cellule avec une lampe électrique dans une niche éclairant deux cellules, sans air, avec portes en fer, verrous extérieurs et service de sûreté extérieur. Après, cela a été moins pénible quand j'ai été versé dans un camp de séjour surveillé, j'étais mieux. J'étais dans une baraque en bois ... composée, comme personnel : chefs de cabinet de ministres, anciens préfets, députés, chefs de la police nationale, généraux, colonels, commandants, bref une chambrée agréable comme relation.
Il aurait bénéficié de deux non-lieux sans passer devant une cour de justice ou une chambre civique. En fait, le 28 mars 1946, poursuivi pour avoir tenu des propos anti-français il est acquitté par la chambre civique de l'Allier.
Affaibli, il décède le 1er juin 1946 à Paris. La légende familiale veut qu'il soit décédé dans le métro. En fait, il est plus prosaïquement décédé à l'Hôtel-Dieu, 1 place du Parvis.
Alors "collabo" ?
Évidemment, la notion de "collabo" est à entendre au sens large. Il est indéniable que Léon avait un profil assez proche de celui de PETAIN et que l'établissement de l'Ordre lui convenait bien et qu'il soutenait son collègue. Le costume de milicien trouvé chez lui interroge évidemment car cela voudrait dire qu'il a pu "flirter" avec des éléments radicaux du régime. Pour le reste, difficile d'extrapoler.
SOURCES :
-page Geneanet de Arnaud GUYOT-SIONNEST
-registres matricules de AD 78
-Michèle COINTET, Vichy capitale, 1993