Meurtres en 1811 : l'affaire Madeleine ALBERT
C'est sur la commune de Biozat (à quelques kilomètres à l'est de Gannat) en 1811 que s'est déroulé un épisode atroce qui allait défrayer les chroniques de l'époque : l'affaire Madeleine ALBERT.
L'Allier Pittoresque (1852) dans la partie concernant Biozat indique sobrement :
C'est dans cette commune qu'est née Marie-Madeleine ALBERT condamnée à la peine des parricides, le 24 février 1811, pour avoir assassiné dans la même nuit du 15 janvier, son père, sa mère, son frère et sa soeur ; elle entendit sa condamnation sans aucune émotion et reçut la mort avec le plus grand sang-froid.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1023859/f33.image.r=madeleine%20albert.langFR
La famille ALBERT :
En 1811, la famille ALBERT composée de six membres, demeure au lieu-dit Le Bois Garrot sur la commune de Biozat.
Emplacement de Biozat avec à l'est l'emplacement du Bois Garrot
Madeleine ALBERT est, semble-t-il, le premier enfant issu du mariage d'Amable ALBERT et Claudine BEAUJARD. Elle est baptisée le 20 décembre 1787 dans la paroisse de Biozat.
Au moins trois autres enfants suivront : Pierre, Gilberte et Anne. Le livre de Fernand CHAUVET intitulé L'affaire Madeleine ALBERT (1913) apporte des nombreux éléments sur l'environnement familial et les faits.
Amable ALBERT était un petit propriétaire vivant du produit de son bien et de quelques travaux qu'il effectuait de ci de là, chez les fermiers du voisinage. Le ménage occupait une maison isolée, basse, de misérable apparence, couverte en chaume et précédée d'une cour close de haies vives. Derrière, un jardin, où, proche de la maison, béait l'ouverture d'un puits que ne défendait nul garde-fou. A la suite de l'habitation, une grange-écurie où ALBERT élevait quelques vaches.
La personnalité de Madeleine ALBERT :
Fernand CHAUVET dresse un portrait assez sombre de la jeune fille :
Elle était irrespectueuse et méchante. Elle ne gardait point reconnaissance à sa mère qui, alors qu'elle avait quinze mois, l'avait arrachée de la gueule d'un loup, un jour qu'étant allée ramasser du bois mort dans la forêt, elle l'avait momentanément déposée, endormie, sur un lit de fougères, où l'affreuse bête était venue l'enlever. [...] Madeleine était demeurée successivement chez différents particuliers de Biozat, du village d'Arçon, près d'Ebreuil, et des communes environnantes. Partout elle s'était montrée très active et laborieuse, mais d'un caractère sombre et taciturne.
Elle avait développé un penchant pour le vol qui fit qu'elle n'eut bientôt plus d'employeur et qu'elle revint au foyer familial. La venue au monde de sa petite soeur Anne provoqua chez elle un ressentiment. Elle reprocha à ses parents d'avoir diminué la portion de bien revenant à leurs autres enfants. Un jour elle menaça sa famille d'un lourd maillet en bois et son père fut obligé de la désarmer. En janvier 1811, du fait de la cherté du blé, Amable ALBERT se trouve obligé de devoir vendre un morceau de sa pièce de terre pour subvenir aux besoins de sa famille diminuant ainsi la part de Madeleine.
Le samedi 12 janvier, elle menace de mort son jeune frère qui ne le rapporta pas à ses parents. Le dimanche 13 janvier, Amable ALBERT rencontre le futur acquéreur de sa parcelle de terre. De retour chez lui vers 17h30, il expose à sa femme et en présence de Madeleine le marché qu'il vient de conclure. Madeleine adresse des reproches à son père qui la corrige. Elle part ensuite se coucher, puis saisit une hache dont son père s'était servi la veille pour débiter du bois. Elle attaque alors violemment ses parents qui étaient toujours en train de converser. Si le père est tué sur le coup, la mère ne décèdera de ses blessures que le 19 janvier à l'hôpital de Gannat. Son frère Pierre parvient à s'enfuir, Madeleine blesse sa soeur Gilberte qui se traîne sous un lit pour échapper à sa soeur. Madeleine saisit ensuite sa jeune soeur Anne qu'elle précipite dans le puits situé dans la cour de la ferme.
Les notes d'un historien local, rapportées dans le livre de CHAUVET, dressent une description vestimentaire et anthropométique des membres de la famille qui ne manque pas d'intérêt.
Le mercredi 16 janvier un mandat de dépôt (aujourd'hui on parle de mandat d'arrêt) est délivré à l'encontre de Madeleine ALBERT avec son signalement. Le 20 janvier elle est retrouvée et appréhendée au village de Tirande sur la commune de St-Ignat.
Emplacements de Biozat et du village de Tirande sur la commune de St-Ignat
On retrouve sur elle la presque totalité de la somme qu'elle avait volé chez ses parents : "cinq écus de six livres, cinq écus de trois livres, quatre pièces de trente sous contenus dans une bourse grise, et 2 fr 75 centimes en monnoye de billon renfermée dans une bourse garnie en peau par le bas."
Devant la Justice (du 22 janvier au 20 mars) :
Le 22 janvier elle est transférée à Gannat où elle est accueillie une foule qui la conspue. Les gendarmes doivent la protéger des coups de bâtons et des pierres. Elle est ensuite auditionnée entre le 22 et le 28 janvier. Un jury rassemblé le 7 février à Gannat l'inculpe. Le 10 février elle est transférée à Moulins en voiture où elle est accueillie par la foule. Le procès a lieu le 23 février devant la cour de justice criminelle qui rend l'arrêt suivant :
Elle est condamnée à la peine de mort et il est ordonné qu'elle soit "conduite sur la place publique de cette ville revêtue d'une chemise rouge, pour y avoir la tête tranchée" et qu'elle aura "la tête et le visage voilés d'une étoffe noire jusqu'au lieu de l'exécution, et qu'elle ne sera découverte qu'au miment où elle sera mise à mort."
Elle est exécutée le 20 mars sur la place des Lices (actuelle place d'Allier) à 14 heures.
Ainsi s'achève cet épisode tragique d'une époque où la terre importait plus que tout et où l'on tuait pour elle.